En l’absence d’enfant repreneur, le chef d’entreprise peut profiter de la vente de sa société à un tiers pour anticiper sa transmission.
Afin d’éviter une double taxation (le frottement fiscal de la cession suivi de celui de la donation), ce dernier peut envisager de transmettre une partie de ses titres au profit de ses enfants, à charge pour eux de céder les titres reçus au repreneur.
Quel est l’intérêt de cette opération ?
La donation d’un bien avant sa cession présente un avantage fiscal : pour le calcul des plus-values, le prix d’acquisition à retenir correspond à la valeur vénale au jour de la donation. Ainsi, en cas de donation suivie à court terme d’une cession, la plus-value est effacée.
Quelle précaution faut-il prendre ?
L’analyse des rapports du comité consultatif des abus de droit enseigne que l’administration fiscale reste vigilante sur ces opérations de donation avant cession.
Afin d’écarter la mise en œuvre d’une procédure d’abus de droit, il convient de respecter certaines conditions :
- La chronologie de l’opération : c’est-à-dire l’antériorité de la cession par rapport à la donation. Il convient de donner avant que la vente soit considérée comme parfaite.
- Le réinvestissement des fonds issus de donation : toute réappropriation par les donateurs des capitaux donnés. Il convient de préserver l’intention libérale, source de l’acte de donation, afin de ne pas dégrader l’opération. Dès lors qu’aucune réappropriation ne peut être constatée, l’encadrement juridique des fonds issus de la cession des titres transmis n’est pas sujet à contestation de la part de l’administration fiscale. La donation doit donc être réelle et entraîner un dépouillement immédiat et irrévocable du donateur.
Quelle stratégie mettre en place ?
Si le donateur réalise cette donation en pleine propriété, il se prive de tous revenus complémentaires suite à la cession. Or bien souvent le chef d’entreprise souhaite conserver un usufruit en vue de remployer les fonds sur des produits lui procurant des rentes complémentaires. Dans cette situation, le donateur peut parfaitement réaliser une donation avec réserve d’usufruit. Le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent alors prévoir de remployer le prix de vente dans un nouvel investissement démembré.
L’opération présente alors deux avantages fiscaux :
- Lorsque la donation ne porte que sur la nue-propriété, le donateur conservant l’usufruit (démembrement), les droits de donation sont réduits car ils sont assis sur la seule valeur de cette nue-propriété.
- Au moment de la cession, la plus-value se calcule sur le seul usufruit. Mais attention, car du fait de l’existence d’une clause de report du démembrement sur le prix de cession, ce sont les enfants, et non le nu-propriétaire, qui sont redevables de l’impôt sur la plus-value.
Autre solution envisageable : celle consistant à attribuer la totalité du prix de cession à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit. Ce dernier dispose alors d’une entière liberté pour réinvestir cette somme et jouir des éventuels revenus futurs. Il convient alors d’être vigilant et prévoir la convention de quasi-usufruit dans l’acte de donation et au plus tard avant la cession (1). Cette solution est fiscalement avantageuse dans la mesure où c’est l’usufruitier qui sera redevable de l’impôt sur la plus-value.
La question de la compatibilité de la donation avant cession avec la stipulation d’un quasi-usufruit pour le prix de cession au profit du donateur n’est pas tranchée en jurisprudence par le Conseil d’État. La doctrine est partagée même si celle majoritaire considère qu’elle peut s’envisager dans la mesure où une créance de restitution est valablement enregistrée. Elle permettrait alors de ne pas remettre en cause la fictivité de la donation. Dans l’attente de ces précisions, la prudence est donc de mise.
1. Conseil d’État 14 octobre 2015 n°360-14440